La correspondance de Lucien Jonas avec Adolphe Lefrancq (1907-1945)

Ensemble de manuscrits légués à la Bibliothèque de Valenciennes en 2009 (aucune lettre de 1925 à 1934 inclus).

Lucien Hector Jonas. Collection J.C Poinsignon

 

Notre conférencier à travers la lecture d'une correspondance de plus de  trente ans entre le peintre anzinois Lucien Jonas et Adolphe Lefrancq, notable de Valenciennes, homme aux multiples facettes, nous révèle un artiste fidèle en amitié et à sa région, bien que résidant à Paris, lucide sur son œuvre et ayant des jugements sévères et parfois admiratifs sur ses contemporains artistes valenciennois.    A travers la correspondance, on voit bien le rôle immense que joue Adolphe Lefrancq dans la création artistique de Jonas. Cela repose sur une confiance absolue. Le «cher Monsieur» de juin 1907 devient très vite (25 décembre 1911), le cher «Cher Monsieur Lefrancq, Chère Madame» à qui Jonas présente ses vœux. Dès le 14 décembre 1912, on passe au : «Mon cher Adolphe». Les familles se reçoivent. Suzanne Bedorez qu'il épouse en 1908  prend la plume à la suite de son mari- Invitations à Paris et à Dinard. A partir de juin 1921-il signe fréquemment «Lucien» mais jamais de tutoiement.     =Une relation amicale avec Adolphe Lefrancq. = La première lettre conservée du  24 juin 1907 nous montre un Lucien Jonas, inquiet : «J'ai bien peur de rater complètement le Concours de Rome». En février 1915, il est agréé peintre militaire attaché au musée de l'Armée et en 1916 il est nommé peintre officiel de la Marine. Mais le 22 août 1920, il manifeste le désir de revenir à ses premiers amours : «J'ai bien besoin de redevenir le peintre wallon dont la guerre a fait un illustrateur».

Poète à ses heures, il adresse ses bons vœux à A.Lefrancq en 1922 : «Le facteur a remis son beau calendrier/ avec son bon sourire … et dans le cendrier/prés du mégot mourant brûle la couverture/portant le millésime en guise d'ouverture/...vous regardez anxieux le premier de l'an/ sera-t-il tout rose?sera t'il tout blanc?/ oserez vous demain effeuiller le deuxième/on y vit? On y hait? On y meurt? On y aime/(remarquez cette rime tirée par mes cheveux)./Vous tremblez très émus .. eh bien, ne craignez pas/car tous les jours suivants, moi, je les connais bien/Pour vous mes trois enfants les ont cueillis en gerbes/ dans les grands près  fleuris, marchant parmi les herbes/: le bonheur sans mélange est sur chaque feuillet/ conscrit en lettre d'or, donc mes amis, cueillez/ toutes ces pages mortes, trèfles dont les quatre ailes/de vos rêves rampant feront des hirondelles». En hâte, je cours, excusez mon écriture… Jonas est un homme pressé. Son écriture est à la limite du déchiffrable. Ces supports sont ceux qu'il a sous la main : lettre à en tête d'hôtel, papiers de divers formats ou cartes postales reproduisant ses œuvres.

Jonas a le souci de la publicité. Il fait éditer des cartes reproduisant ses œuvres et les envoie (Dévotes (24 juin 1907)- La Consultation (25 décembre 1911)- Le général de Curières de Castelnau-salon de juillet 1919- Le Goûter (sept 1919)- Un brancardier (21 juillet 1924). C'est le fils d'un industriel qui connaît les affaires (lettre du 2 septembre 1920 sur la distillerie familiale) : «quatre enfants dont un bébé à nourrir/ Ma  mère s'est alors décidée à reprendre l'affaire abandonnée à mon frère en 1914 dans de mauvaises conditions /Or les organes essentiels, les alambics nécessaires à la distillation des fruits et à la rectification des huiles et extraits ne pouvaient être livrés que dès quinze mois après la commande».  

Jonas ne vit que de son art.

  Jonas est un artiste mais il a les pieds sur terre (lettre du 2//9/1920) «Mon frère n'est pas comme moi (...) fort débrouillardeux, sachant profiter des événements, des gens et des organismes» Jonas n'hésite pas à parler tarif même s'il est généreux avec tous. Il compare ses tarifs avec ceux de ses confrères :  «Paul Delgrange pose en ce moment : il est très assidu et j'espère que son portrait sera réussi. Je vais être un peu embarrassé quand il m'en demandera le prix- il est de taille de celui de Gaston et j'ai l'intention de lui proposer la somme de 2500 francs au lieu de 4000 que le demanderais à un noble étranger (Domergue demande 7 à 10 000, Aubry 8000, Déchenaud 12000 et Baschet 25 000….C'est fou. Où allons nous?) J'ai l'air d'avoir augmenté mes prix mais la vie augmente, les charges aussi et je travaille beaucoup moins».

Comme d'autres, il subit le contrecoup de la Crise de 1929 d'autant plus qu'il ne vit que de son art et a  charge de trois enfants. Le 16 septembre 1924 : «si vous avez un portrait quelconque à exécuter parmi vos amis et dans n'importe quelle condition faites moi signe». Le 29 mars 1935 : «les temps sont terribles. Je n'ai vendu qu'une seule toile à la Galerie Berghese, avenue des Champs Élysées». Idem le 17 novembre 1937 à l'exposition à Lyon qui est un véritable fiasco. Les soyeux sont ruinés.

Jonas est un artiste mélancolique. Il écrit le 22 août 1920 en vacances : «Mon esprit est mélancolique car j'avais en arrivant convenu : quantité de toiles de plein soleil à des heures différentes avec des effets nuancés de 9 à 10/ puis de 11 à 12/ de 12 à 13 heures etc jusqu'au coucher du soleil/ Or ce roi  soleil est si fatigué d'avoir éclairé tous les épouvantables spectacles de guerre et toutes les paresses, les désillusions d'après paix qu'il reste couché dans les draps blancs de ses nuages. Il nous éclaire par habitude mais sans ardeur et sans foi. Mes tableaux de plein air restent donc en panne/J'ai hâte de retrouver mon petit atelier de Paris ou mieux mon grand atelier d'Anzin où j'ai composé et réalisé mes meilleurs toiles : les Consolations, les Marguilliers, le retour du festival, la maman des vieux, les Rouffions, les mineurs et les noces d'Or. Le jour n'y est pas plus favorable mais j'y étais bien tranquille, dans le calme et le silence d'un atelier bien retiré avec de bons modèles que j'aimais et que je connaissais bien. Qui posaient pour l'amour de moi et que je peignais souvent pour l'amour d'eux-mêmes». Juillet 1922 : «Je me mets à la remorque de notre maître Watteau et préfère souvent mes dessins à la peinture». Jonas porte un regard lucide sur son œuvre :

  • 19 février 1924 : «Je me fatigue tant à peindre en bavardant, ce qui est le propre du portraitiste».
  • Vers Juillet 1922 : «Mon cher Adolphe (..) Grâce à vous j'ai pu peindre dans notre bonne cité une  série de plafonds où j'ai essayé de pétrir et de mélanger de l'amour et de la reconnaissance avec ma couleur. (..) Dans votre plafond qui gagnera à la lumière électrique car il est exposé à contre jour, on trouve plus de délicatesse et de fantaisie que dans les autres/ Il est plus primesautier et mieux peint/ dans celui de la Chambre de commerce il y a un peu trop de savoir; il est un peu pédant mais mieux composé et plus homogène/ Dans celui du musée il y a une pensée directrice et un souffle qui anime les personnages, il est aussi plus simple, plus ton sur ton/ et c'est cependant le vôtre que je préfère à cause

de la folie lumineuse de sa farandole».  Jonas postule pour une place de professeur à l’École des Beaux-Arts, lithographie -échec- correcteur d'antique. 

  • 12 juin 1920 : «Mon cher Adolphe, il me revient en mémoire les fameux vers d'Horace en constatant votre façon délicate, active à Valenciennes, d'encourager les arts/  «Mecenas atavis edite regibus sunt quos curriculo pluverem olympicum», ce qui signifie comme vous le savez mieux que moi qu'il est tout aussi noble de s'occuper d'artistes que de chevaux de courses».
  • 27 février 1922 : «vous êtes réellement prodigieusement gentil pour moi et vous m'aidez à produire dans la verve et dans la joie de peindre pour le cher pays natal».

 

Un conseiller écouté.

  Pour les Académies de Valenciennes, Jonas donne constamment des conseils concernant le remplacement des professeurs à Adophe Lefrancq devenu président du Conseil Académique.  

lettre du 19/1/1919 :  «si vous manquiez d'architecte, il y a un parisien très fin, très artiste, diplômé et ex-élève de Bonnat qui pourrait remplacer Dussart aux Académies mais comment nous aurions à regretter le départ du vrai Valenciennois Dussart. Le parisien, architecte de l’École, s'appelle Pacon, et il a épousé ma nièce, Mlle Normand, fille de l'architecte dont la mère est née à Fresnes-sur-Escaut».

31/12/1919 : «Il m'a longuement parlé de la succession Billotey me confirmant le contenu de votre dernière lettre/ Joëts … ne m'a pas encore répondu-les étrangers..même très voisins comme les Audomarois mettent peu de complaisance à s'installer à Valenciennes. Nous trouverons donc difficilement un parisien désabusé ou courageux auquel le tango et les idioties de commis voyageur manqueraient./ Il reste Crauck …qu'il convient de barrer nettement à moins de créer un emploi de professeur de gravure que personne au monde ne remplirait mieux que lui. Crauck est en effet notre premier maestro di burino/Ruffin est un admirable et excellent critique, donc bon professeur. On peut l'essayer tout en cherchant l'oiseau rare et l'adopter s'il convient ou si le rare avis est introuvable».

Juillet 1919 : «Vous êtes le seul à pouvoir donner au Conseil académique l'élan moderne tempéré par la tradition classique (..)/ Pour le professeur, j'estime qu'il convient de désigner un artiste du pays, aimant notre Wallonie où il est né, connaissant et disséquant l'âme et l'esprit du futur «artiste» de l’École des Beaux-Arts, pressentant la nature de chaque être qui se rapproche un peu de la sienne et dont il peut ainsi mieux corriger les défauts et développer les qualités et les aspirations… M. Layraud n'a jamais compris le coeur et les tendances de ceux de ma génération. (…)/ Billotey était trop intelligent, trop lettré, trop personnel dans sa manière pour inculquer à des adolescents les premiers principes sur lesquels on doit rouler comme sur des rails ..en toute sécurité sans étonnement devant l'incompréhensible ou l'inattendu (…) Mais il ne faut pas oublier que Billotey fut élève de Jules Lefevre et a peint froidement et classiquement comme lui/Crauck serait insuffisant parce que peu intelligent, peu lettré, apprenti lui-même en matière de peinture. Si l'on désire lui être agréable, qu'on lui fasse des commandes de gravure ou que l'on crée pour lui une classe de burin, de lithographie et d'eau-forte en couleur. (…) En réfléchissant dans le silence, en me mettant à la place d'un vrai citadin de Valenciennes, désirant tout d'abord le Bien de la Cité, j'en arrive à penser malgré le très vif désir que j'aurais de voir Ruffin, artiste admirablement doué, diriger les destinées artistiques de la Cité, à lui préférer Pierre Boissart, professeur complet. En seconde ligne, je mettrais Busière, le plus fantastique et les plus adroit graveur que les amateurs aient jamais connu. En troisième ligne figurerait très honorablement Ruffin, le plus sensible des trois, le plus près de Watteau, le plus valenciennois». Lucien Jonas prend position en faveur d'Adolphe Lefrancq pour que celui-ci accède au poste de conservateur du Musée des Beaux-Arts : 

  • 24/9/1920 : «donc les édiles s'entêtent à ne pas vous nommer conservateur de nos musées.   Ils veulent que ces derniers soient comme des moutons ou des cornichons qui sont gardés par un pâtre quelconque ou conservés, n'importe comment, dans l'alcool ou le vinaigre (…)».
  • 10/2/1921 «Ruffin (…) m'écrivait qu'il était paralysé que Hénault parlât prendre en mars la direction du Musée»
  • 8/5/1921 : «Pour le Musée, je suis heureux de savoir que vous avez enfin toute la direction en mains». Jonas est tout autant attaché et actif au sein de l'Union Valenciennoise à Paris :
  • 10/9/1921 : «Laut me charge de conduire comme un cicérone-Barnum patenté les membres parisiens de l'Union (aux manifestations Watteau). Je les ferai défiler au pas du cygne sur la Place d'Armes, les hommes en chapeau forme hauts, parapluie sur l'épaule droite et les femmes en jupe courte et l'oeil en coulisse vers M.le Maire et M.le. Conservateur».

Il a le souci de laisser une trace de son activité pour sa ville natale d'Anzin. Le 10/8/1921,Théophile Jouglet, maire d'Anzin lui a acheté «Les Autorités» pour son Musée. «J'ai l'intention d'offrir à ce Musée en formation soit un lot de tableaux et dessins de guerre, soit un autre tableau/ Les noces d'or/les dames de l'ouvroir ou/la chorale d'Anzin/dix de mes élèves donneraient aussi une petite toile et ce serait le noyau d'un musée local sans prétention… dont vous seriez le conservateur». Et au verso d'une carte postale, éd d'Art Guerrier représentant le Sapeur, il écrit le 9 décembre 1923 : «... Jusqu'ici je n'aimais que le travail et la gloire. Je ne pensais pas aux honneurs qui sentent la fin. Sachez en tous les cas (et gardez ceci pour vous) que j'aimerais avoir mon petit musée intime dans mon atelier d'Anzin ou dans une salle de la Mairie d'Anzin ou des Académies de Valenciennes».   

L'altruisme de Jonas.

  On découvre aussi un être profondément altruiste au point de s'entremettre là où on ne l'attend pas :

  • 6/1/1919 . Démarches pour retrouver des colis égarés à la Gare du Nord
  • 10/1/1919. Rassemble couvertures et vêtements pour Anzinois et Valenciennois qui souffrent de froid.

19/1/1919 : «J'ai réuni 7500 francs pour Zélie Goniaux et ses enfants qui n'ont jamais existé que dans mon imagination mais qui représentent pour moi la malheureuse femme de l'ouvrier métallurgiste ou du mineur, veuve chargée de famille. De plus j'ai rempli de provisions et de vêtements un wagon qui partira mardi pour Valenciennes (..).  Je désirerais que la distribution fût faite sans aucun parti pris, j'entends en toute équité, sans s'occuper des opinions religieuses ou politiques des personnes à soulager (..), que les pauvres nombreux, les riches devenus pauvres en profitent/ Que le père Fromentin trouve une bonne couverture aussi bien qu'un camelot du roi mendigot de profession». Jonas, entremetteur : 23 et 24/5/1920 Il se met en quête de renseignements sur un certain M.Mille, 37 ans dont on envisage de la faire rencontrer Mme Mallissart. Il le rencontre chez lui  dessine son visage et en donne une description physique et morale :  «j'ai pu scruter longuement sa tête qui est toute en finesse, de nuance pastel et de délicatesse sentimentale pour les questions matrimoniales-en affaires, il doit au contraire être brutal et net (…) /il n'est pas pressé de convoler en justes noces désirant se faire étudier et observer lui-même. Il serait enchanté de rencontrer Mlle. M et se prête bien volontiers à une entrevue qui pourrait avoir lieu à l'atelier pendant la pose de Mme Lefrancq, dans un musée ..  Au salon, enfin où vous voudrez (..)».      

Haines, rejets et admirations.

  Avec cette correspondance confiante, on entre dans l'intimité de l'artiste. On y découvre un homme engagé, avec ses haines, ses rejets, ses admirations :  Il admire Watteau : lettre du 6 juillet 1921 : «Le portrait de Pater est un pur chef d'oeuvre», Brasseur; Bottiau et Sauvage «Le seul peintre valenciennois qui soit doué». Plus mesuré concernant Terroir, lettre du 8 mai 1921 :  «L'oeuvre de Terroir est impressionnant bien qu'un peu froide et monotone de facture (trop lisse, sans élan, sans spontanéité). C'est excessivement un premier Grand Prix de Rome mais c'est sérieux et très noble d'allure». Mais celui qu'il admire le plus, c'est Ruffin. 3/5/1920 :  «Ruffin admirablement placé avec sa belle toile des déracinés; le 10/2/1921 : «Mes délicieux portraits de femme que je tenais de Ruffin» et 3/6/1943 «Cléty (..), lillois qui  rappelle Ruffin et sa délicatesse d'oeil et d'esprit». 28/3/1942 : «J'insiste pour que Ruffin expose au salon où je ferai tous mes efforts pour qu'il soit bien placé et obtienne enfin sa médaille d'argent méritée depuis si longtemps». Il a la dent rude et parfois la parole haineuse :  le 29/3/1935 : «Un représentant du gouvernement des uniformes décore de la rosette un architecte taré (Armbruster) et du ruban un ingénieur qui fit la guerre en arrière de Châlons (Guillez) ou le 28/3/1942 : «archiviste paléographe rétrograde (Hénault)». Politiquement, réactionnaire, homme d'ordre et maréchaliste :

  • 10/3/1936 : «Unissons-nous, cambrons  le dos, sans baisser la tête et laissons passer la tourmente. L'ennemi, le danger, est à l'extérieur. Que vive la France».
  • 9/10/1937 : «Ma femme a vu et entendu le Duce qui est un vrai chef et produit une forte impression : son œuvre de redressement est considérable et durable : ce n'est pas ce Napoléon de carnaval dont parlait Briand le néfaste Président languissant .. Ni non plus le joueur de mandoline selon l'expression de Paul Boncour, le Robespierre de carton pâte, dictateur pour Musée Grévin».

 

Jonas et la reconstruction de la ville de Valenciennes.

  Jonas lors de l'élaboration du plan de Reconstruction de la ville de Valenciennes soutient le maire, Adolphe Lefrancq dans ses démarches pour faire aboutir le projet du plan n°8 de l'architecte urbaniste Albert Laprade. Le 25/2/1942 «Vous nous bâtirez un nouveau Valenciennes dans la Nouvelle France, ce qui suffira à votre ambition, sans vous soucier de la Nouvelle Europe et du Nouveau Monde (..) Dès que vous serez fixé sur la besogne à réserver aux artistes faites signe aux sculpteurs, peintres et décorateures : les Desruelles, Terroir, Brasseur, Dautel, Lardeur répondront présent à l'appel de leur bien aimé Maire». Lucien Jonas prend la tête d'un lobbying afin de contrecarrer les initiatives de Lemaître, nouveau président de l'Union des Valenciennois de Paris s'opposant à la conception du plan n°8. Le 30/5/1942 : «Mon cher Adolphe, voici la correspondance de protestation que je viens d'adresser à mon ami le Dr Menestrel qui va alerter le Maréchal et l'empêchera de se laisser influencer par la pétition des hargneux (…) Il faut étouffer le serpent dès sa naissance. J'ai aussi averti Lemaître qu'il ne devait pas s'engager dans cette polémique et surtout y entraîner l'Union art et littéraire valenciennoise. (..) Je lui ai redit hier longuement au téléphone et écrit à maintes reprises».  

Une santé souvent chancelante.

  Jonas est un hypocondriaque. Fin janvier 1932 :  «car mes pauvres yeux me donnent beaucoup d’inquiétude … peindre devient une douleur». Le 3/2/1932 : «Je me dépêche pour regagner le temps perdu et donc profiter des dernières lueurs d'une vue qui s'obscurcit … ah! Ces maudites mouches, ce brouillard qui voile mon œil rhumatisé». 8/12/1918 : «Très déprimé par une terrible grippe. Voici deux mois que je suis immobile». Juillet 1919 :

«Voici cinq semaines que je suis couché avec des douleurs aux reins et une cystite qui ne veut pas guérir malgré les soins et les médecins». Le 19/8/1919 : «Ma santé est encore très précaire. Si je reprends de la graisse et même de l'embonpoint, je reste faible et les parties atteintes (vessie et reins) ne sont pas rétablies. Je souffre de cystite et d'inflammation de la prostate et je ne vaux pas «tripette».

9/12/1923 «Car je ne sors toujours pas et ressens un malaise continu dans la région du coeur et de la tête (est-ce du rhumatisme)… Le docteur Parmentier me surveille de très près et me tranquillise… Que sait-il sans me l'avouer? … Jusqu'ici je n'aimais que le travail et la gloire. Je ne pensais pas aux honneurs qui sentent la fin. Sachez en tous les cas (et gardez ceci pour vous ) que j'aimerais avoir mon petit musée intime dans mon atelier d'Anzin ou des Académies de Valenciennes». Le 6 février 1924 :  «Un peu déprimé en ce moment».        

En 1946, Lucien Jonas est très malade et épuisé. Victime d'une inflammation des yeux, il redoute la lumière. Il termine cependant ses quatorze tableaux du chemin de croix destiné à l'église Saint-Martin de Saint-Amand-les-Eaux. Il meurt à Paris le 20 septembre 1947.