Les recherches concernant la Préhistoire récente dans la partie française de la vallée de l’Escaut

M. Gilles Leroy, ingénieur d’étude au SRA (service régional de l’archéologie) a présenté pendant une heure un exposé bien illustré sur les sites de la Préhistoire bien conservés dans la vallée de l’Escaut à la lumière des fouilles préventives et programmées. Pour rafraîchir la mémoire de son auditoire, il rappelle très pédagogiquement la frise chronologique qui auPaléolithique supérieur fait se succéder le Mésolithique (entre - 8000 et - 6000 ans avant J-C), le Néolithique, les âges des métaux (Bronze, Fer), avant l’époque gallo-romaine. Il rappelle que la fin de la période glaciaire se situe vers -10000 /- 9000 ans avant J.C. Les glaciers s’étendaient sur l’ensemble de l’Europe du Nord et la Grande-Bretagne d’aujourd’hui; bien sûr le Pas-de-Calais n’existait pas. Au sud de ces inlandsis puissants, s’étendaient la toundra puis une zone steppique.

Gaine marteau

A l’extrême fin du Paléolithique, alors que s’ouvre un epériode plus chaude, dans la vallée de l’Escaut, la nature se reboise, on sort de la grande steppe. Cette période située entre l’ère glaciaire et l’Holocène (dernière époque de la période Quaternaire) demeure mal connue dans la région. Il est certain que le Néolithique moyen(vers – 4500/ -3500 ans avant JC) marque le retour à l’occupation de notre région qui demeure peu peuplée par des groupes de chasseurs-cueilleurs.

Dans la région certains sites sont très importants comme celui fouillé à Valenciennes en2007 sur le néolithique final (vers 2400 avant J.C.) ou celui de Bouchain sur le néolithique récent qui date de -3000/-2900 avant JC. Certes la vallée de la Scarpe dont des sites commencent au pléistocène recèle d’énormes potentialités, mais en fin de compte, quoiquemoins riche, la vallée de l’Escaut se révèle plus commode à étudier. M. Leroy passe en revue plusieurs sites importants bien localisés aujourd’hui : Masnières, Proville, Raillencourt-Sainte-Olle, Marquion, Bouchain, Valenciennes (rue Jean Bernier (néolithique final), le Vignoble (néolithique moyen)). La région de Bouchain est dotée d’un réel potentiel archéologique. On peut y explorer des espaces trop longtemps délaissés, alors que ces zones humides sous-exploitées sont les plus porteuses pour déboucher sur des pendeloque découvertes sur ces périodes très anciennes. La vallée de l’Escaut est bien formée à Bouchain et depuis quinze ans, on y porte beaucoup d’attention afin de détecter des sites de la préhistoire récente.

Pendeloque


M. Leroy scrute alors longuement les apports des fouilles réalisées à Bouchain sur le lieu de confluence de l’Escaut et de la Sensée. Déjà des observateurs comme Alphonse Leduque et Jules Duvivier avaient laissé entrevoir le fort potentiel de ce site. Depuis 2012, lescampagnes de fouilles se succèdent sur ce site d’activités artisanales. On y a découvert unepirogue monoxyle, une bille de chêne de cinq mètres travaillée au feu et évidée à la hache.

L’ébauche d’une seconde pirogue a été retrouvée. Assurément les archéologues ont déjà exhumé enFrance d’autres pirogues (comme celle de Paris-Bercy exposée au Musée Carnavalet), mais celle de Bouchain mérite de retenir l’attention car on peut insérer ces pirogues dans un large contexte explicatif. On a découvert beaucoup d’outillage en bois, en silex et en os. Existait à Bouchain une véritable industrie lithique. Certains outils apparaissent même très élaborés (haches, flèches, briquet...). Des éléments de parure ont été recueillis, à commencer par des perles en céramique et des parures en paragonite, une roche venant du Mont Viso dans les Alpes italiennes.

La diversité de la faune est attestée par des vestiges d’aurochs, de cerfs, de castors, de canards et même de sangliers et de loups. La faune domestique est composée de chèvres, de bœufs, de chiens, de porcs. Les «caractérisations fonctionnelles du site de Bouchain» sont multiples : débitage lithique, exploitation des bois de repousse, travail plus général du bois, boucheries. En revanche les fouilleurs n’ont trouvé aucune trace d’habitat. Une datation parle carbone 14 est désormais acquise, le niveau principal se situe vers -3000/-2950 ans avantJC. Il s’agit de ce que les archéologues appellent le «néolithique récent 2». M. Leroy établit des comparaisons avec d’autres sites du néolithique récent : le cairn de Gavrinis (Morbihan)situé entre - 3500 et -3000 avant JC; le site mégalithique de Stonehenge près de Salisbury(Wiltshire) qui date de - 2500/-2100 avant JC, le dolmen retrouvé dans le Val d’Oise (laPierre Turquaise, la plus grande allée couverte de la région), la momie Otzi fortuitement découverte dans un glacier alpin entre l’Italie et l’Autriche.

La liste des études en cours et à venir est étendue et met en œuvre diverses études d’archéozoologie, de palynologie, de carpologie (étude des graines des végétaux), sans négliger la spectrométrie et les analyses chimiques.

Le public impressionné par l’ampleur des données fournies applaudit vivement le conférencier et lui fait préciser sa pensée par quelques questions.